Le football marocain vient de perdre bien plus qu’un ancien joueur. Il vient de perdre une conscience, une mémoire, un monument.
Ahmed Faras n’est plus. Et avec lui, c’est une certaine idée du jeu, de l’élégance et du patriotisme qui s’éloigne en silence.
Il n’aimait ni les projecteurs, ni les cérémonies. Il vivait loin de l’agitation, comme s’il avait compris très tôt que la grandeur n’a pas besoin de bruit. Mais ce mercredi, le silence autour de sa disparition fait un vacarme dans les cœurs. Les drapeaux sont en berne, les hommages se bousculent. Car Faras, ce n’était pas seulement le premier Ballon d’Or africain marocain. C’était le capitaine de l’unique sacre continental de l’équipe nationale, en 1976. C’était un repère. Une boussole. Une âme.
Il avait rêvé de revoir un jour les Lions de l’Atlas toucher à nouveau le ciel africain. Peut-être en décembre prochain, à Rabat. Il ne verra pas ce rêve se réaliser. Mais il nous laisse cette espérance, cette promesse invisible à transmettre aux générations qui marchent encore sur les traces des géants.
Dans un monde d’archives numériques, il est l’empreinte d’un temps sans données mais riche en mémoires. 36 buts avec les Lions, 7 en Coupe d’Afrique : des chiffres devenus repères. Des faits devenus légende. Même les jeunes qui ne l’ont jamais vu jouer parlent de lui comme d’un sage. Un buteur au regard doux. Un capitaine au geste juste. Un homme fidèle à son club de toujours : le Chabab de Mohammédia. Dix-sept années de loyauté, une éternité à l’échelle moderne.
On raconte qu’en 1972, le Real Madrid lui avait tendu la main. Mais Faras avait déjà fait son choix. Ni les millions, ni les stades pleins d’Europe n’étaient assez brillants pour l’arracher à son sol. Il voulait que tout commence et se termine à Mohammédia, au stade Bachir, entre les siens.
Il y a des images qui ne s’effacent pas. Celle d’Ahmed Faras quittant le terrain en finale de la Coupe du Trône 1979, tête baissée, puis relevée par une voix royale : le roi Hassan II, s’approchant pour lui glisser ces mots gravés dans l’Histoire :
« Ne t’en fais pas, Faras. On n’entend que du bien de toi. Que Dieu te protège et te guide. »
Il avait ce magnétisme discret, cette humilité qui force le respect. Jusqu’à ses derniers jours, il a combattu la maladie comme il vivait : sans plainte, sans bruit. Avec cette dignité rare des géants.
Faras, c’était un capitaine de navire qui n’a jamais quitté son pont. Un patriote qui inscrivit le premier but marocain dans les provinces du Sud fraîchement libérées. Un homme que l’on ne remplace pas. On raconte. On transmet. On le garde en soi.
Il s’en est allé à 78 ans. Et déjà, son absence a un goût d’éternité.
Repose en paix, Ahmed Faras.