Crédit photo : Obssu, prises lors Championnats universitaires
Les centres de formation sportive jouent un rôle fondamental dans l’identification et la préparation des talents de demain.
Au Bénin, la grande masse détient peu d’information quant à leur fonctionnement. Quelle reconnaissance officielle leur est accordée ? Et quelles sont les exigences posées pour assurer un encadrement de qualité aux jeunes sportifs ?
Afin de mieux appréhender les enjeux liés à la structuration de la formation sportive à la base au Bénin, Hilary Christelle Tolo Kpadonou s’est entretenue avec M. Okry Christophe Nonvignon, Directeur du Sport et de la Formation Sportive au ministère des Sports. Découvrez-ici le contenu de leur discussion.
Hilary Christelle Tolo Kpadonou: Monsieur Nonvignon, quel regard portez-vous aujourd’hui sur la situation des centres de formation sportive au Bénin ?
M. Okry Christophe Nonvignon : Il faut d’abord souligner que le Bénin dispose bel et bien de centres de formation, et pas uniquement dans le domaine du football. On parle désormais de centres de formation sportive, car on en retrouve aussi dans le basketball, le volley-ball ou encore la lutte. À ce jour, nous avons recensé environ 190 structures ou initiatives de formation répertoriées par le ministère. Ce chiffre concerne uniquement celles qui ont exprimé une volonté de reconnaissance officielle et qui ont été évaluées sur le terrain.
Ces chiffres, concernent-ils toutes les disciplines ?
Ce chiffre regroupe l’ensemble des disciplines, sans compter les centres créés par des clubs, qu’ils soient, professionnels ou amateurs. Nous travaillons actuellement à établir une cartographie plus exhaustive des académies et initiatives de formation à l’échelle nationale.
Quelle est la part place des jeunes footballeurs qui prennent par les dans ces centres de formation au Bénin ?
Depuis 2016, grâce aux réformes engagées et à la vision du chef de l’État, les jeunes talents sont mieux détectés, notamment grâce aux classes sportives et aux compétitions scolaires. Cela permet aux centres d’avoir un meilleur accès à ces talents, aussi bien en milieu scolaire que hors système éducatif. Et les résultats sont là : nos performances à la CAN scolaire en 2022 en témoignent.
Quel est le cadre juridique qui réglemente les centres de formation au Benin ?
C’est un arrêté datant de 2013 qui est en cours d’actualisation. Le nouveau texte sera publié très prochainement. Tout est fin prêt, après concertation avec l’ensemble des parties prenantes : responsables de centres de formation, techniciens de la direction technique nationale, et des services juridiques.
Il sera transmis à l’autorité ministérielle pour signature. L’objectif est de simplifier les procédures et de permettre, chaque année, la publication d’une liste officielle des centres reconnus, répondant aux critères de qualité en matière de formation et d’encadrement des jeunes talents.
Quelles sont les disciplines qui comptent plus de centres de formation que les autres?
Le football reste de loin la discipline dominante, surtout parmi les structures privées. D’autres disciplines comme le basketball commencent à se structurer, mais nous manquons encore de données précises sur leur fonctionnement.
Quels sont les critères requis pour qu’un centre soit reconnu officiellement ?
Nous prenons en compte plusieurs éléments : la qualité des infrastructures, la disponibilité de matériel, le profil des encadrants, le contenu pédagogique… L’aspect scolaire est également primordial, car peu de jeunes atteindront le sport professionnel. Le suivi médical est un autre critère essentiel. Pour les centres avec internat, nous vérifions aussi les conditions d’hygiène, de sécurité et de confort.
Quel est le mécanisme mis en place pour veiller au respect des critères énumérés ?
Chaque année, des contrôles et évaluations sont menés sur le terrain. Pour 2025, la campagne a eu lieu du 25 mai au 8 juin. Cinq équipes ont sillonné le pays pour évaluer les centres à partir d’un questionnaire. Une note a ensuite été attribuée à chaque centre, permettant leur classement et la formulation de recommandations pour améliorer leurs performances.
En parallèle, les centres demandent souvent des soutiens en équipements, en formation ou encore en organisation de compétitions. C’est pour cette raison que, ces dernières années, nous accordions une aide d’un million de francs à environ 80 centres, sélectionnés parmi les plus sérieux et les plus engagés. À partir de 2025, cette aide a été convertie en bourses de formation, avec pour objectif de renforcer les compétences des encadrants à travers des formations certifiantes.
Comment évaluez-vous la qualité de la formation offerte aux jeunes ?
Nous utilisons un questionnaire structuré pour évaluer les centres. On y examine les installations (type de sol, dimensions du terrain), le matériel, le ratio ballons/enfants, le contenu pédagogique, et le niveau des encadreurs. Une grille de notation permet ensuite de classifier les centres.
Existe-t-il des liens formels entre les centres et les clubs ?
En principe, oui. Il s’agit d’un domaine qui relève directement des fédérations sportives. Toutefois, notre action vise actuellement à renforcer les liens entre les différents acteurs du secteur, notamment en encourageant les regroupements. En effet, avec environ 190 centres répertoriés, ce chiffre peut sembler disproportionné au regard du niveau actuel de développement de notre sport. Nous estimons qu’il serait plus pertinent de favoriser une mutualisation des efforts, à travers des partenariats formels entre centres de formation et clubs, sous la supervision des fédérations. Il est essentiel que celles-ci exercent pleinement leur rôle de régulation et de coordination.
En tant que ministère de tutelle, nous définissons et mettons en œuvre la politique nationale de développement du sport, sans pour autant nous substituer aux instances fédérales. Nous créons les conditions favorables à l’émergence des disciplines sportives, notamment par l’octroi de subventions aux fédérations et aux clubs, dans un contexte où l’intervention de l’État reste encore nécessaire. À terme, l’objectif est de parvenir à un niveau de structuration qui permette au secteur sportif de générer ses propres ressources : droits télévisés, contrats de sponsoring, billetterie, produits dérivés, etc. Mais pour l’heure, nous posons les bases indispensables pour atteindre cette ambition.
Y a-t-il des centres qui exercent sans autorisation officielle ?
Oui, cela arrive. Sur les 190 centres recensés, tous ne sont pas encore officiellement agréés. Certains passionnés encadrent des jeunes sans un cadre formel. Même si ce n’est pas encore de la formation professionnelle, cela contribue déjà à leur épanouissement.
Quelles nouvelles mesures sont envisagées pour dynamiser ces centres ?
Outre les bourses de formation, nous organisons des compétitions pour les U13, garçons et U 15 filles, avec une phase régionale puis nationale. Ces tournois permettent aux enfants de découvrir d’autres milieux, de se confronter à d’autres équipes, et de bénéficier d’activités éducatives et culturelles.
Des compétitions similaires, sont-elles prévues dans d’autres disciplines ?
Pas encore. Le football est pour l’instant la discipline la mieux représentée. Mais nous avons la volonté de structurer progressivement les autres disciplines, à mesure que des centres se créent.
Comment transformer ces centres en véritables viviers pour les équipes nationales ?
Il faut renforcer la formation des encadreurs, impliquer davantage les fédérations et favoriser les partenariats avec les clubs. Nous devons aussi systématiser les compétitions et instaurer une culture de la performance sur le long terme. Un trophée des académies, en partenariat avec Canal+, est d’ailleurs en préparation, avec des conférences et des experts africains invités.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la formation des encadrants ?
En 2024, nous avons lancé des formations à la licence D, avec 30 encadreurs déjà formés sur les 60 prévus. Une deuxième session arrive. Les meilleurs pourront accéder à la licence C. Et cela ne concerne pas que le football : 115 encadreurs en basketball ont été formés en 2024. Le handball est prévu en août 2025, et d’autres sessions ont eu lieu en athlétisme ou en volley-ball, notamment à Bohicon.
Un dernier mot pour conclure ?
Je remercie votre rédaction pour cet entretien. Le ministère des Sports travaille avec méthode pour concrétiser la vision du chef de l’État : faire du Bénin une nation sportive. Cela passe par les réformes, le financement structuré, le renforcement des encadreurs et le développement des structures techniques.