Entretien exclusif : Sarah Mukuna parle des efforts de la CAF pour améliorer le niveau de gouvernance du football en Afrique
- Hilary Christelle Tolo Kpadonou
- Jun 9
- 6 min read

La gouvernance est devenue un pilier essentiel du développement du football africain. Dans le cadre d’un effort continental pour renforcer le leadership et la gestion au sein de ses 54 associations membres, la Confédération Africaine de Football (CAF) organise une série d’ateliers de formation sur la gouvernance à travers le continent.
Après Johannesburg, Addis-Abeba et Alger, la quatrième session s’est tenue à Cotonou, au Bénin les 2,3 et 4 juin 2025 à Cotonou. Nous avons rencontré Sarah Mukuna, Directrice de la Division des Associations Membres à la CAF, à l’issue des travaux pour mieux comprendre la vision de ces ateliers, les avancées réalisées et les défis à relever. Voici notre entretien exclusif avec Sarah Mukuna, réalisé par Hilary Christelle Tolo Kpadonou.

Hilary Christelle Tolo Kpadonou : L’atelier sur la gouvernance, ce n’est pas une première. Pourquoi la CAF insiste-t-elle autant sur ce sujet ?
Sarah Mukuna : Il s’agit en réalité du quatrième atelier sur la gouvernance dans le cadre d’une série en cours. Nous avons commencé à Johannesburg, puis nous sommes passés par Addis-Abeba, Alger, et nous voilà maintenant au Bénin, représentant l’Afrique de l’Ouest. La CAF continue de se concentrer sur la gouvernance parce qu’elle constitue le socle de la croissance et de l’intégrité du football en Afrique.
Nous avons conçu ces ateliers régionaux pour que les 54 associations membres puissent s’engager de manière significative sur ce sujet. En petit comité, les échanges sont plus profonds, l’apprentissage est mieux adapté, et les idées innovantes peuvent circuler plus librement. L’objectif final est de doter chaque fédération des outils et des connaissances nécessaires pour faire face aux défis de gouvernance et bâtir des institutions plus solides et plus responsables.
Qu’est-ce que vous avez observé chez les fédérations pour décider de mettre en place ces ateliers ?
Mukuna : La décision découle directement de la vision du Président de la CAF : faire du football africain une référence mondiale, compétitive et autonome. Cette ambition dépasse ce qui se passe sur le terrain. Si les performances sportives sont essentielles, la manière dont nos fédérations sont gérées en dehors du terrain l’est tout autant.
Nous avons constaté que, dans de nombreux cas, les structures, la clarté des rôles et la gouvernance générale des fédérations ont besoin d’être renforcées. Est-ce que chaque acteur d’une fédération connaît réellement son rôle ? Sait-il en quoi sa contribution permet de faire progresser le football africain ? Ce sont des questions fondamentales.
La CAF existe grâce à ses 54 membres. Comme le rappelle souvent notre Président, nous avons le devoir de nous assurer que chacune de ces fédérations soit en mesure de fonctionner efficacement. La force de la CAF repose sur celle de ses membres. Ces ateliers sont une réponse concrète à cette responsabilité.

Que s’est-il réellement passé à Cotonou lors de cet atelier ?
Mukuna : À Cotonou, nous avons organisé un atelier de trois jours axé sur deux piliers fondamentaux : la gouvernance générale et la gouvernance financière.
Le premier jour, nous avons abordé les principes de base de la gouvernance ce que cela signifie réellement, et pourquoi c’est crucial dans l’administration du football. Nous avons examiné de près les rôles et responsabilités spécifiques des principaux acteurs au sein d’une fédération : le Président, le Comité Exécutif, le Secrétaire Général et le Directeur Financier. Chacun a une fonction bien définie et essentielle pour assurer le bon fonctionnement de l’organisation.
La deuxième partie de l’atelier était centrée sur la gouvernance financière : comment gérer efficacement et de façon transparente les fonds d’une fédération, comment attirer des financements, les utiliser à bon escient, et garantir la durabilité financière. L’objectif global était de renforcer à la fois la structure organisationnelle et la gouvernance financière, pour que chacun comprenne son rôle et puisse contribuer pleinement au développement du football, sur le terrain comme en dehors.

Quels sont les défis que vous rencontrez lors de la mise en œuvre de ces solutions ?
Mukuna : L’un des plus grands défis est de maintenir une cohérence à travers un continent aussi diversifié. La CAF regroupe 54 associations membres, chacune évoluant dans un contexte propre, avec des capacités, des ressources et des priorités différentes. Nous avons de grandes fédérations comme l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte ou l’Algérie, avec des structures plus développées, et d’autres, plus petites, mais tout aussi ambitieuses.
La difficulté réside donc dans la conception de solutions qui soient pertinentes et efficaces pour ce large éventail de situations. Il faut trouver un équilibre entre les besoins des fédérations déjà bien établies et ceux des fédérations en pleine croissance, tout en avançant vers la vision commune du Président : un football africain compétitif et autonome à l’échelle mondiale. S’assurer que tout le monde progresse, malgré des points de départ différents, est une tâche ardue, mais indispensable.
Quelle est la responsabilité des associations membres ?
Mukuna : Les associations membres ont la responsabilité de s’approprier les enseignements reçus et de les appliquer dans leur propre contexte. À travers ces ateliers, nous voulons leur fournir les connaissances, les outils et les bonnes pratiques nécessaires pour renforcer la gouvernance dans leurs fédérations.
Nous ne pouvons pas prendre les décisions à leur place, mais nous pouvons créer un environnement propice à l’apprentissage, au dialogue constructif et à l’échange d’expériences. En fin de compte, ce sont les fédérations qui doivent engager les changements nécessaires. Nous espérons particulièrement voir les Secrétaires Généraux prendre les rênes de ces réformes, pour que les structures soient alignées sur les principes de bonne gouvernance et capables de produire un réel impact.
Notre rôle est d’accompagner, de guider et de soutenir. Mais la transformation réelle doit venir de chaque association membre.

Pendant l’atelier, vous avez interrogé les Secrétaires Généraux et les Directeurs Financiers. Qu’avez-vous observé concernant les défis qu’ils rencontrent ?
Mukuna : Ce que j’ai observé pendant ces trois jours – et c’est un point commun aux quatre ateliers déjà réalisés c’est un véritable esprit de communauté entre les associations membres. Il y a une ouverture remarquable, une honnêteté dans les échanges. Les Secrétaires Généraux et les Directeurs Financiers n’hésitent pas à exposer leurs difficultés.
Certains ont dit : « Nous rencontrons des problèmes dans ce domaine, comment pouvons-nous nous améliorer ? » Et aussitôt, une autre fédération répondait : « Nous avons eu le même souci, voici comment nous l’avons résolu. »
Ce niveau d’échange entre pairs est extrêmement puissant. Ces ateliers ne se résument pas à la transmission d’informations par la CAF : ce sont des espaces où les associations apprennent les unes des autres. Ce sont elles les expertes de leurs contextes. Cet espace leur permet de se connecter, de collaborer et de progresser ensemble. Cet esprit de solidarité et de vision partagée est sans doute l’un des résultats les plus précieux de ces ateliers.
Avez-vous remarqué un intérêt particulier pour le football féminin de la part des fédérations ?
Mukuna : Oui, tout à fait. Lors d’un des exercices, nous avons demandé aux participants d’identifier trois domaines prioritaires dans lesquels ils souhaiteraient un appui de la CAF. Le football féminin est revenu de manière quasi systématique. Je dirais que 80 % des participants, voire plus, l’ont mentionné comme priorité. C’est exactement le type d’engagement que nous voulons voir, et cela cadre parfaitement avec la vision du Président de la CAF, qui a placé le développement du football féminin au cœur de ses priorités, aujourd’hui et pour les années à venir.
J’ai également été encouragée par une plus forte présence féminine dans la salle cette fois-ci. Les Présidents de fédérations et les Secrétaires Généraux ont fait l’effort d’inclure des femmes. Non seulement elles étaient présentes, mais elles ont été actives, ont pris la parole, et leurs interventions ont été prises au sérieux.
Donc oui, je me réjouis de l’intérêt croissant pour le football féminin, mais je suis tout autant inspirée par la place croissante des femmes dans le football en général. C’est là que commence le véritable progrès.

Enfin, quelle est votre satisfaction personnelle après ces trois jours ?
Mukuna : Pour moi, la plus grande satisfaction vient de voir l’esprit de ces ateliers prendre vie: rassembler les associations membres dans un même espace, où elles peuvent se rencontrer, échanger et apprendre les unes des autres. Cet esprit de collaboration, c’est exactement ce que nous recherchions. Il ne s’agit pas seulement de transmettre un contenu, mais de créer un cadre propice aux conversations sincères, aux partages d’idées et à l’émergence de solutions concrètes. Voir tout cela se matérialiser pendant ces trois jours a été extrêmement gratifiant – non seulement pour moi, mais pour toute la CAF.