
Photo : Omar Chraibi
Rabat : Chraibi Omar
C’était un jour spécial pour tous les Marocains. Pour moi aussi, journaliste appelé à vivre ma troisième Coupe d’Afrique des nations, après l’édition 2019 en Égypte et celle de 2023 en Côte d’Ivoire. Mais cette fois, la CAN se joue chez nous. Un moment que l’on espérait depuis l’annonce de la candidature marocaine. Certes, le Maroc a déjà accueilli la Coupe d’Afrique, mais c’était en 1988. Trente-sept ans d’attente et, cette fois, un double enjeu : offrir à l’Afrique la meilleure édition de son histoire, et soulever le trophée le 18 janvier.

Avant cela, il fallait ouvrir le bal de cette 35e édition, s’habituer à un nouveau cadre, même à domicile. Le Stade Moulay-Abdellah de Rabat, flambant neuf, et tout le dispositif logistique mis en place pour garantir un environnement sûr et maîtrisé autour de la compétition, donnaient déjà le ton.
Comme pour chaque grande échéance, la routine du journaliste accrédité avait commencé la veille, entre conférence de presse officielle et séance d’entraînement des Lions de l’Atlas. Puis vint le Match Day.
Basé à Casablanca, j’ai voulu vivre le déplacement jusqu’au stade en empruntant le train, profitant de la nouvelle gare ferroviaire construite à proximité immédiate de l’enceinte sportive, destinée à absorber les flux massifs de supporters jusqu’à la finale. Billet réservé en ligne, accréditation autour du cou, je suis arrivé en milieu d’après-midi à la gare Casa-Voyageurs.
Dès le hall, malgré la pluie qui compliquait le choix des tenues, l’atmosphère était particulière. Drapeaux, chants, familles au complet. À 15h30, le train s’est ébranlé. Une heure de trajet ponctuée d’échanges avec des supporters. Manal, 25 ans, confiante, évoquait un 3-0 pour les coéquipiers de Brahim Díaz. Son frère Ayoub, 18 ans, voyait même plus large : « Cinq-zéro. »
J’avais accroché à mon cordon un pin’s du Maroc et un porte-clé représentant le trophée de la CAN. Un talisman peut-être. Pour beaucoup autour de moi, ce voyage avait un goût d’inédit. La majorité n’avait jamais vécu un titre continental. Moi non plus : en 1976, j’étais loin d’être né. Notre unique sacre, celui du but de Baba face à la Guinée en finale, appartient à une génération qui s’amenuise.
Le train a atteint Rabat-Agdal puis Rabat-Riad à 16h30. Quelques minutes plus tard, la silhouette monumentale du stade est apparue. Je l’avais déjà vu, déjà couvert des matchs ici, mais ce soir la sensation était autre. On n’était plus dans le cadre d’un match de qualifications, mais face à une compétition majeure. Les enjeux médiatiques, sportifs, symboliques, tous s’entremêlaient.
Dans le media center, la file pour récupérer le ticket de tribune était dense. J’y ai croisé des confrères venus d’Égypte, de Tunisie, de Côte d’Ivoire, du Mali, mais aussi de France. Le privilège d’avoir couvert plusieurs CAN, et même une Coupe du monde, c’est la richesse de ces réseaux qui se reforment à chaque tournoi.
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À 18h10, j’étais en direct, en duplex depuis la tribune médias au sixième étage. J’avais choisi les escaliers, évitant la cohue de l’ascenseur – souvenir encore vif du Lusail Stadium au Qatar. Après un premier live, un passage sur la chaîne nationale, et quelques images captées pour les réseaux de la rédaction, je me suis installé aux côtés de confrères de France 24.
La cérémonie d’ouverture a tenu ses promesses. Chorégraphies, projection, mise en scène millimétrée. Surtout, la présence du prince héritier, Moulay Hassan, venu donner le coup d’envoi, conférait à la soirée une dimension institutionnelle et symbolique forte. Un message clair : le Maroc attend beaucoup de son équipe nationale.
Le Maroc et le football, c’est presque synonyme. 🇲🇦🤩#TotalEnergiesAFCON2025 | #WeCelebrateDifferent pic.twitter.com/WiTSnq8Bds
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Les gradins affichaient complet : 60 180 spectateurs. Pourtant, la ferveur n’avait rien à voir avec celle d’une nuit africaine au complexe Mohammed-V avec le Wydad ou le Raja. Ici, nous étions davantage face à des spectateurs que face à un douzième homme. Pas de chants continus, pas de clameurs ininterrompues. Une tension, plutôt, et une attente fébrile.

Et quand la mi-temps est arrivée, le stade a grondé. Sifflets nourris après une première période décevante, close sur un 0-0 frustrant. Les débuts de CAN sont rarement flamboyants ; celui-ci n’avait pas dérogé à la règle.
La seconde mi-temps a offert le soulagement attendu. Le premier but signé Brahim Díaz, puis le chef-d’œuvre d’Ayoub El Kaabi ont dissipé la tension. Titre trouvé : « Le Maroc entame sa CAN par une victoire ». L’essentiel, dans un tournoi court, ce sont les trois points.
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Les soirs comme celui-ci, il y en aura d’autres. Mais une ouverture de CAN chez soi, dans un stade neuf, sous la pluie et les chants retenus, portée par l’espoir de tout un pays, c’est inédit. Vingt-quatre heures plus tard, on en parle encore.
Que cette CAN continue.